Sommaire

Avant-Propos
Laurent Tissot, « L’hôtel suisse et ses voyageurs »

Partie I : des clients …
Michael Heafford, British visitors to Splügen in the early nineteenth century. The evidence of a hotel guest book
Jérémie Magnin, « En tous points recommandable. Evitez la chambre N° 23 » : Les hôtels suisses vus par les Anglais dans les années 1860
Laurent Tissot, Les hôtels valaisans et leurs hôtes en été 1913

Partie II : … à leurs ressentis
Sven Raffestin, Genève et son hôtellerie aux alentours du 17e siècle
André Hélard, Une chambre avec vue. Les hôtels de John Ruskin
Cordula Seger, La Haute-Engadine, scène touristique
Patrick Vincent, Thomas Hardy et la grande hôtellerie suisse à la Belle Époque

En guise d’épilogue : un regard contemporain
Bertrand Lévy, Deux expériences hôtelières au Tessin

Varia
Boris Vejdovsky, « Vous êtes ici » : Les Hommages à la Suisse d’Ernest Hemingway

Comptes rendus et recherches
Patrick Vincent : Thierry Malvesy, Un naturaliste français chez les Helvètes : Carnet de voyage de Charles Louis Contejean en terre exotique, Lausanne : Favre, 2020
Patrick Vincent : Teju Cole, Fernweh, London : Mack, 2020
Danijela Bucher, Le voyage et l’image. L’appropriation visuelle et matérielle de la Suisse et des Alpes par les voyageurs anglais (du XVIIIe au XXe siècle)

Vie de l’association
Liste des membres
Procès-verbal de l’Assemblée générale de 2019

-> Bulletin 2020 en format PDF

Avant-propos

Dans le chapitre consacré aux chambres d’hôtel, Michelle Perrot, dans son Histoire de chambres, écrit qu’il a fallu du temps pour que l’hôtel devienne « respectable, confortable, voire de ‘charme’. Il y fallut l’accroissement des flux et celui des désirs des consommateurs, l’affinement des sensibilités dont la chambre d’hôtel offre un condensé. » Les huit contributions rassemblées dans ce bulletin nous en donnent une bonne illustration. Du Lion d’Or à Genève en 1595 à l’Hôtel du Colibri au-dessus de Lugano en 2010, elles nous emmènent dans les dédales des couloirs, les chambres plus ou moins luxueuses, les vues plus ou moins somptueuses, le calme plus ou moins relatif. Deux grandes questions sont soulevées : qui descend dans les hôtels et comment les clients jugent-ils les établissements?

Dans le premier cas, il s’agit de dénombrer pour mieux dégager le profil de cette clientèle: par nationalité, par genre, par structure, par statut et parfois par profession. Jusqu’où la notion d’espace social peut-elle s’appliquer à l’hôtel ? Ce dernier est-il le lieu des brassages les plus inattendus jetant le pont entre des cultures et des sensibilités les plus diverses, un lieu de paix, de réconciliation ou d’antagonisme ? Ou les hôteliers regroupent-ils leurs clientèles selon des critères qui les éloignent ? Ici la table des Anglais, là celle des Allemands, plus loin celle des Français, les Suisses se dispersant un peu partout. Retrouve-t-on encore la prédominance anglo-saxonne qui a été scrupuleusement décrite dans de nombreuses études ? Et quid des femmes, des familles, des enfants ou des voyageurs solitaires : sont-ils nombreux ? Les documents d’hôtels au Splügen et à Zermatt ou des publicités touchant le canton du Valais sont très riches en informations. L’attention qu’on leur porte nous permet de dévoiler des configurations plus nuancées et qui tranchent avec certains aprioris.

Dans les deuxième cas, il s’agit d’être à l’écoute des hôtes. Leurs ressentis se déclinent selon plusieurs modalités : angoisses, soulagements, attentes, déceptions, revendications, étonnements, le ‘vécu’ hôtelier n’a pas de limites. Sébastien Locatelli, John Ruskin, Thomas Hardy, Stefan Zweig, Annemarie Schwarzenbach et d’autres encore égrènent leurs sentiments au gré des différents établissements où ils séjournent : St. Moritz, la Majola, l’Hôtel des Bergues à Genève, les Trois Couronnes à Vevey, l’Hôtel Gibbon à Lausanne ou encore l’Hôtel Monte-Rosa à Zermatt … On peut dénoncer bien sûr la ‘subjectivité’ qui habite tous ces hôtes, connus et moins connus, leurs caprices, leur arrogance, leur curiosité. Mais tous ces visiteurs, quel que soit leur rang, leur qualité, leur nationalité attestent la centralité de l’hôtel dans l’acte de voyager. Un voyage n’est pas qu’une suite de déplacements – sources des seuls plaisirs recherchés – entrecoupés d’arrêts dictés par la faim et la fatigue, les premiers rejetant dans l’ombre les seconds. Il se comprend comme un tout. Il est construit par l’hôtel autant qu’il se réalise dans un itinéraire.

Laurent Tissot